Le blog

Gestion de crise : faire avec plutôt que contre

Vous avez embarqué sur L’Arbo, bienvenue à bord ! En guise de boussole et pour appréhender l’état d’esprit de cette navigation sur l’océan de l’Incertitude, une invitation à surfer la vague plutôt qu’à aller à son encontre…

« Admettre que nous vivons dans le chaos et que nos efforts pour le contraindre sont voués à l’échec, c’est peut-être le début de la sagesse. »

Guy Ausloos, thérapeute systémicien, définit le chaos comme non-ordre au grand potentiel de créativité et d’imprévisibilité. Plutôt que de chercher à l’éviter, le contourner, le supprimer ou encore le contrôler, il nous invite à tenter de l’apprivoiser, c’est-à-dire à accueillir le désordre et le faire passer à une nouvelle forme d’ordre. Faire avec la crise plutôt que contre.

 

« Facile à dire », me direz-vous ! Et vous avez bien raison. En tant que spécialiste de la crise, dans la famille ou au travail (à titre professionnel et personnel 😉), je tiens à partager avec vous deux grands principes de la philosophie chinoise du taoïsme* qui me servent aussi bien dans mes activités de facilitatrice (médiatrice et coach) que dans la vie de tous les jours, et qui pourraient peut-être vous inspirer pour les prochaines semaines.

 

Le Yin-Yang800px-Yin_and_yang.svg

Dans toutes les cultures traditionnelles, le chaos était intégré et était le germe de toute naissance. A la différence de notre logique occidentale, l’opposition Yin-Yang ne fonctionne pas comme une alternative, mais selon la complémentarité. Ici, les contraires ne s’excluent pas, ils se transforment. Chacun se change en l’autre, ils s’engendrent réciproquement. Le cours du monde est une alternance du Yin et du Yang, qui s’autorégule et se déploie sans début ni fin en un éternel processus de transformation. Ce qui est Yin contient déjà un germe de Yang. « Yin c’est ce qui va devenir Yang ; Yang c’est ce qui va devenir Yin ». Ces deux pôles en équilibre assurent l’harmonie.

 

La philosophie du non-agirwu wei

Les antiques sages chinois pensent le monde comme une totalité (donc sans extériorité), comme un gigantesque processus perpétuellement en cours : le « dao » chinois, traduit par le Procès en français. Ils nous invitent à cesser de nous penser comme extérieur au monde, à comprendre et à ressentir à quel point nous y sommes immergés.

Nous avons deux connaissances de ce processus :

  • une connaissance réflexive, liée aux apprentissages conscients,
  • et une connaissance processive, ce que nous connaissons sans vraiment pouvoir nous expliquer comment nous le connaissons. Acquise par l’expérience directe du monde, par la vie elle-même, par les émotions qu’elle engendre en nous, par l’entièreté de notre organisme, cette connaissance est immédiate – sans médiat, spontanée, immanente, libre de toute réflexivité. Lorsqu’elle est à l’initiative, nous trouvons alors l’action juste, nous sommes présents au Procès, nous sommes présents… au présent. Cette connaissance processive ne peut opérer que si nous l’y autorisons, si nous la laissons faire, si nous renonçons pour un moment à vouloir contrôler le cours des choses. En renonçant à son but conscient et à sa volonté de contrôle, la relation de l’individu au monde change, il cesse de lutter contre le courant et se laisse porter par lui, il est ce courant.

Cette acceptation des processus naturels, cet abandon au Procès est ce que l’on appelle le lâcher-prise, qui serait plutôt un laisser-faire, voire même laisser les choses se faire, naturellement, sans tenter de les forcer ou de les diriger. La nuance réside dans l’implicite de « lâcher-prise », qui suppose deux temps : une prise, puis un lâcher.

 

Laisser les choses se faire, est-ce ne rien faire ?

Pas vraiment. C’est plutôt agir dans l’ordre des choses, ne pas entreprendre d’action contraires à la nature, de la même manière que l’eau d’une rivière suit son cours. C’est l’acceptation du monde tel qu’il est, mais aussi l’acceptation de soi-même et des autres tels qu’ils sont. C’est arrêter de croire que nous pouvons tout influencer, c’est nous remettre à notre juste place.

 

 

Under the Wave off Kanagawa ('The Great Wave'), from the series Thirty-six Views of Mt. Fuji, 1831, Katsushika Hokusai (1760-1849)

Loin d’être une forme de passivité néfaste, le non-agir suggère au contraire une action naturelle, douce, équilibrée, qui suggère une attitude de réceptivité et de disponibilité maximale face aux événements et aux situations qui se présentent. Ainsi le non-agir n’est pas absence d’action, mais un recul extrême par rapport à l’action.

Au quotidien, le non-agir taoïste est une éthique comportementale tendant à l’humilité, à l’altruisme, à la tolérance, à la douceur et à l’équilibre. La confiance en la nature est au coeur du non-agir.

 

Cela vous parait très abstrait ? Ne vous inquiétez pas, notre navigation nous donnera l’occasion d’illustrations concrètes. Si ce n’est pas déjà fait, abonnez-vous vite au blog, en bas de cette page pour poursuivre la navigation.

A bientôt pour parler carte de navigation ! En attendant, n’hésitez pas à commenter, questionner, challenger 🙂

 

 

Tao Te King ou “Livre de la Voie et de la Vertu”, de Lao Tseu (a priori).

Sources d’inspiration pour ce billet :

  • AUSLOOS Guy, La compétence des familles, Temps, chaos, processus, Erès, Toulouse, 2008.
  • CHOEUR Adrien, Le non-agir du taoïsme : qu’est-ce que c’est ?, 2019, https://www.jepense.org/non-agir-taoisme-definition-philosophie/
  • GERBINET Dany, Le thérapeute et le philosophe, Enrick B. Editions, Paris, 2017.
  • MORINEAU Jacqueline, L’esprit de la médiation, Erès, Toulouse, 2009.

Vous avez aimé cet article ?

Je souhaite être notifié par e-mail des nouvelles publications